Premiers pas sur Mars

(.Censuré.) de Mars !

Une température moyenne, un vent supportable et un terrain riche et accessible. Des conditions agréables pour la plupart des terraformeurs... Du moins les volontaires, car cet endroit tranquille était perturbé par des imprécations émanant d'un petit bout de scaphandrier dans une colère rouge comme Mars :
"Sale (.censuré.) de mes (.censuré.) de (.censuré.) de (.censuré.) ! Je t'en ferai voir des beaux gosses à la peau luisante ! Espèce de (.censuré.) rempli de (.censuré.) élevées dans ta (.censuré.) de morve !!!"

Mais quittons cette scène idyllique pour revenir un peu en arrière, et surtout très loin dans un bar à peine enfumé d'un quelconque quartier sur Terre.
Portons notre attention sur cette petite table ronde... Non, pas celle avec les deux jolies demoiselles qui matent les mecs, celle d'à côté,... là, le type louche et la fille pompette.

"C'est comme je te le dis, poulette ! Des types costauds prêts à tout pour aider les jolies demoiselles comme toi."
"Chus pas ta hips!lette ! Pis t'es pas beau..."
"Oui mais là-bas, ils le sont tous, que des Apollon, crois-moi !"
"Hips ! Longs comment ?"
"Suffisamment longs... Tout ce que tu as à faire, c'est de valider ton inscription sur ce petit appareil. C'est pas compliqué, mets ton pouce, j'ai déjà renseigné tout le reste et je t'ai choisi le plus joli petit coin de Mars."
"T'es trop chou, toi ! Hips !"
Mais les pensées du type étaient toutes autres : "Allez, valide ! Que je puisse empocher la prime et aller papoter avec les deux donzelles d'à côté. T'es pas mal, mais bon, tu ne vaux pas la concurrence..."
"Alors poulette, vraiment, tu ne veux pas avoir quelques beaux gosses à la peau luisante à ta botte ?"
"Ouahoouuu !!! Si si si, je veux !"

Et voilà pourquoi le petit bout de scaphandrier se jurait, entre autres choses, de ne plus jamais boire la moindre goutte d'alcool ou autre (.censuré.) de boisson de (.censuré.), par -50° sous ce (.censuré.) vent martien à remuer de la (.censuré.) de caillasse de (.censuré.) !!!

Un Mars, et...

Mon scaphandre m'avertit qu'il faut rentrer, alors que la nuit tombe. Je dois être dingue pour m'épuiser comme ça, mais si je m'arrête, je vais me mettre à réfléchir à mon avenir et je deviendrai dingue pour de vrai.
Ma première journée de terraformation se termine donc. J'aimerais que ce soit la dernière, et en même temps qu'il y en ait toujours, ça voudrait dire que je suis toujours en vie.

Un panneau que je n'avais pas vraiment remarqué clignote. Des messages. La Firme qui m'écrit, peut-être ?
Non, des responsables de syndicats qui veulent me recruter. Cette attention est plutôt flatteuse. Bla bla bla... je progresse vite... pacifisme et tout le toutim... Mouais... et pourquoi pas des milliers de bisous !? Ha ha ha ! (rire sans joie)
J'ai intérêt à prendre du recul cette fois, je me suis fait avoir en beauté, pas question que ça recommence !

Bon, je les fais patienter par un petit message à chacun. Soyons gentille, on ne sait jamais, ça pourrait être des "beaux gosses à la peau luisante", ha ha ha ! (rire ironique)

Enfin, je fais le nettoyage, je vérifie tout, je vide une canette et je repars. Ce n'est pas la nuit qui m'arrêtera.

Etats d'âme

Deuxième jour de terraformation. Dopée par le Coffee Booster, je creuse, encore et encore. Une heure, je rentre, je vérifie le bazar, je sors et je recommence. C'est à peine si j'ai pris une demi-nuit de sommeil.

Je voudrais me réveiller, me retrouver dans mon lit douillet, chez moi, dans ma petite ville tranquille. Mais je n'arrive pas à redescendre sur terre.
La Terre... c'est comme si je l'avais quittée une seconde plus tôt il y a plusieurs années. Quelle sensation étrange !
Ca ne peut être qu'un cauchemar. Dès que les rayons de soleil éclaireront ma chambre, je me réveillerai et j'irai plonger dans ma piscine pour effacer ces souvenirs nocturnes.

Je pense encore à cette nuit. Les étoiles brillaient tellement que je pouvais y voir sans assistance malgré l'absence de la Lune. Complètement irréel !

Ce soleil en est la preuve, comment pourrait-il être si petit ? Oui, ce monde n'existe que dans mon imagination, c'est obligé.

...

La Lune me manque...

Rencontre du troisième type

Un vrombissement qui s'approche derrière moi. Je me retourne, méfiante, pour voir un betrayal se diriger vers moi, poursuivi par le nuage de poussière qu'il soulève.
Engin d'un autre temps, adapté pour un autre lieu et conduit par des gens modelés pour survivre en enfer.

Il s'arrête à quelques mètres. Un représentant de la firme en descend. Depuis ma descente sur Mars, je n'avais eu affaire qu'à celui qui m'a conduite à mon bunker et à Gros Robot lors de ses inspections.
"Vous êtes Stallia Megami ?"
Je ne réagis pas.
"Heu... Je viens vous féliciter pour votre progression et votre travail, vous venez d'accéder au grade supérieur."
Je ne réagis toujours pas.
"Pas de problème sinon ?"
Silence...
"Hem ! Bon, je ne vais pas vous ralentir davantage... Joyeux Noël !"
Je le regarde monter dans son véhicule. Avant de fermer la portière, il me lance :
"Vous ne devriez pas rester seule. Rejoignez un syndicat ! N'importe lequel, ça vaudra mieux que de rester comme ça... Si vous avez encore une once de raison en vous."

La poussière est retombée, il ne reste que les traces de roues et de pas plus grandes que les miennes pour me convaincre que quelqu'un est passé.
Je reprends ma pelle et creuse à nouveau. Certains mots résonnent encore dans mes oreilles... Seule... Noël... Syndicat...
Oui, il faut que je me reprenne. Mon choix est déjà fait de toute manière, alors pourquoi attendre ?

Folie rouge

Stallia observait au loin les lueurs d'un Nuke, c'était la troisième fois d'affilée.
"Ils sont fous, complètement fous !"

A quoi servait-il de terraformer si tous leurs efforts étaient réduits à néant en une fraction de seconde ?
Et puis qu'est-ce qu'il y avait à gagner sur cette planète de rochers ?
Davantage de rochers pour davantage de Témis ?

Elle imaginait la scène où deux terraformeurs se disputaient un gros rocher à coups de pelle...
- "Ce rocher est à moi !"
- "Non, il est à moi !"
- "N'y touche pas !"
Risible... Comme des gamins se disputant de misérables billes... mais à coup d'armes de haute technologie.

Ils ne trouvent donc pas qu'il est déjà assez difficile de survivre ? Il y a pourtant bien assez de place sur cette planète pour ne rencontrer personne pendant des semaines ou pour posséder chacun un territoire plus grand que la vue ne peut porter.
Mais non, il faut qu'ils se battent, et tout ça pour... des illusions. Rien que des illusions nourries par leur cerveau dégénéré.
Alors que la seule chose réelle et valable dans cet océan rouge est la vie, ou plutôt la survie, et que nous ferions mieux de nous soutenir pour mieux supporter cette planète... Une planète bien assez mortelle pour que l'on n'ait pas besoin de s'entre-tuer.

Pourquoi ne comprennent-ils pas cette évidence ?

Peau de scaphandre

Une carte numérique... Je tiens cette carte dans ma main et la regarde sans la voir.
C'est comme si ma vie commençait à cet instant, comme si ma mémoire était vide. Je fixe les symboles... Ils se mettent alors à se mouvoir, à s'étirer, à prendre de la consistance.
Ils s'enroulent autour de mon poignet, en prenant une consistance métallique.
Je devrais avoir peur, mais j'observe le phénomène sans la moindre émotion, avec juste assez de curiosité pour y prêter attention.
Des lettres inconnues tombent sur le sol métallique, elles rampent vers mes pieds et reprennent le même manège, enveloppant mes pieds et remontant le long de mes jambes.
Je continue de regarder avec un détachement total mon corps qui s'enveloppe de métal et de plastique, avec juste assez de verre ou autre matière transparente pour me permettre de voir à l'extérieur.
Des lumières colorées, rouges pour la plupart, surgissent autour de mon visage et me font sursauter. Je sens des aiguilles me perforer la peau du cou, des bras, des jambes et c'est alors qu'une terreur sans nom me submerge, dans ma tête comme dans mon corps.

"IIIIIHHHHH !!!!"

Je me réveille en hurlant dans mon bunker.

Encore ce stupide cauchemar... Le coeur emballé, en sueur, à la fois glacée et brûlante, je me calme doucement.
Je finis par me secouer. "Allons, oublie tout ça, pense à tes amis, ici, maintenant... pas au passé, ni à l'avenir, ni ailleurs. Tu ne possèdes que le moment présent, ne le gaspille pas !"

Faux départ

Un lit chaud...
"Mmhh que c'est agréable ! Pouvoir rester au lit aussi longtemps qu'on veut en week-end, c'est vraiment le paradis !"
Stallia ouvre doucement les yeux pour découvrir un plafond gris de béton. La réalité tombe alors sur elle comme une masse : elle n'est pas sur Terre dans sa belle maison de campagne, mais sur Mars, dans son bunker de béton gris clair, d'acier gris foncé et de plastique gris mouette. Tout en nuances de gris, mat, brillant, terne...

Les idées ne sont pas encore claires, les souvenirs de la veille le sont encore moins.
"Que s'est-il passé ? Le bar ? Ah oui, le bar... avec Aalia et Anais, et puis les autres, Locory qui préparait les boissons, et Yoruichi qui..."
Les yeux de Stallia s'écarquillent tandis qu'elle se redresse d'un coup, le visage en feu.
"Hou la laaaa ! Mais qu'est-ce qui m'a pris !?"
Elle essayait de refouler les souvenirs de ce qui s'était passé derrière le bar, mais ils s'imposaient à elle et même des petits détails qu'elle n'avais pas remarqués sous le feu de l'action se rappelaient à elle.
"Ce n'est pas possible, qu'est-ce que j'ai bien pu boire pour en arriver là ?! ... Aalia ! C'est toi qui m'y a poussée ! Tes sous-entendus... et moi qui faisait semblant de ne pas comprendre... je ne pouvais que m'abandonner à ces passions que tu as réveillées en moi. Ah la la ! Je ne saurai jamais te résister pour ce genre de choses."

Parce que, de la résistance, il y en avait eu beaucoup par la suite afin de ramener Aalia qui avait complètement perdu la tête dans quelques verres d'alcool fort. Il avait fallu se mettre à deux, avec Anais pour y arriver.
Mais quelle aventure ç'avait été ! Elle se rappelait du retour au bunker, de nuit, sans scaphandre, dans un betrayal qu'aucune d'elles n'était capable de piloter correctement.
Stallia avait prié tous les dieux de Mars pour s'en sortir vivante et avait promis de prendre du grade avant la fin de la semaine si elle en sortait vivante. Et elles s'en étaient sorties, presque indemnes, de manière miraculeuse. Le betrayal n'avait probablement pas eu cette chance...

Ensuite, tout était tellement flou, avec seulement des flashes de souvenirs au milieu de périodes de noir total. Elle se voyait entrer chez Anais, puis plus rien... Le souvenir d'un homme, mais qui était-il ?... Ensuite des secousses en betrayal... Puis bordée dans son lit, impuissante, à peine consciente de son entourage avant de retomber dans l'obscurité de son esprit.
Elle ne savait pas qui, mais il ou elle l'avait ramenée chez elle dans de meilleures conditions qu'au précédent trajet.

La sonnerie de l'entrée du sas ramène soudainement Stallia au présent. Elle se relève vite fait pour aller... pour revenir mettre quelque chose de décent sur son corps dévoilé avant de voir qui l'attend dehors.
Elle ouvre le sas et reconnaît un représentant de la Firme. Froid et imbu de lui-même, comme d'habitude... mais une étincelle se met quand même à briller dans ses yeux quand il détaille la physionomie frêle et gracieuse qui émerge des vapeurs du sommeil. Finalement, eux aussi sont des hommes comme les autres.

"Bonjour Stallia Megami, je viens vous informer de deux choses. D'abord, je vous apporte votre nouveau grade, félicitations ! La Firme va regretter de vous voir partir... Ensuite..."
"Partir ? Comment ça, partir ?!"
"Oui, c'est ce que j'allais vous apprendre, certaines personnes haut placées ont... fait annuler le contrat que vous avez signé avec la Firme. Sous le prétexte que vous auriez été forcée." Précisa-t'il en faisant une moue reprobatrice.
"Je peux rentrer sur Terre alors ?!"
L'air encore plus désapprobateur, il répond : "Oui, vous êtes libre de rentrer... La Firme regrettera un élément comme vous, votre progression vous promettait, euh... une belle progression sur Mars."

Stallia se retenait de sauter de joie et d'embrasser le jeune homme... Du moins, elle s'est retenue juste un instant avant de laisser le type de couleur rouge pivoine quelques secondes plus tard.
"Il faut absolument que je raconte ça aux filles ! Je vais enfin quitter cette..." Sa voix mourrut dans sa gorge, alors qu'elle réalisait les conséquences de son départ : la perte de ses amis, de ses amours, de l'affection qu'elle avait reçue et qu'elle avait donnée... la perte de sa vie ! Parce qu'elle prenait d'un seul coup conscience de ce que Mars représentait. Elle avait enfin appris ce que c'était de vivre et c'est sur Mars, planète presque morte au regard de la Terre grouillante de vie, qu'elle s'était mise à vivre, à exister pour de vrai !

Le représentant de la firme n'avait pas bougé, restant simple témoin des changements d'état d'âme de la bien mignonne Stallia Megami, mais néanmoins ex-terraformeuse à son grand regret.
Cette dernière reprit alors le contrôle d'elle-même et dit calmement et sérieusement :
"Monsieur, je vous remercie pour mon nouveau grade et vous informerez la Firme que je reste à son service." et, ajouta-t'elle en pensée : "et au service de mes chères et tendres..."